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Un poisson nommé Jeff the Fish

On pourrait bien réactualiser la formule de Voltaire et l’appliquer au métier de Dj :  » Ainsi presque tout est imitation. Il en est des [disques] comme du feu de nos foyers, on va prendre le feu chez son voisin, on l’ allume chez soi, on le communique à d’autres et il appartient à tous. »

Dans notre monde moderne où le recyclage est de mise, il est amusant d’observer la rotation du vinyle : du pressage au disquaire, du disquaire à la platine, du dj à la web-radio ou au dance-floor des clubs. Et, lorsque le dj en question s’occupe d’un label ou se charge du remix la boucle est bouclée. Forcément, pour le plaisir de tous ! On a pu le constater encore récemment avec le remix jazz qu’a fourni Jeff The Fish de la « Rumba me va » de Antoine ‘Tato’ Garcia.
Cette rotation sonne d’une grande simplicité, elle nous ravit par sa fraîcheur et son authenticité. Au moment où le monde s’accélère, il est assez amusant de voir une figure aussi intemporelle que celle de ce Dj qui nous vient d’Irlande via Barcelone insuffler un vent nouveau dans nos contrées. Pour lui, les choses sont simples, l’important étant de faire toujours « ce qu’on préfère ». En effet, la question ne s’est jamais posée autrement, il sera Dj et rien d’autre.

Voilà ce qu’il songeait du haut de ses neuf ans. De ses années de pensionnat, il sortira, certes, sans diplômes mais avec une vocation et les premières expérimentations de ce qui fera son futur métier. Dans l’Angleterre des années 70, il écoute en boucle les radios pirates de l’époque et s’exerce à enregistrer des petites émissions en imitant les Dj’s stars qu’il adule comme tous les jeunes de son âge. Son obsession dès lors est de toujours acheter des disques, manie de la collection qu’il partage avec son ami, et disquaire, Markus Detmer avec lequel il fonde le label MJDC pour Modern Jazz Dance Classic. Le premier disque est d’ailleurs sorti en février et le prochain est prévu pour la fin de l’automne. Vous aurez sans doute l’occasion de découvrir une partie de son incroyable collection sur le stand qu’il tiendra le dimanche 06 octobre au Festival Vi-Nyls. Car Jeff est un Irlando-perpignanais à temps plein depuis qu’il s’y est installé depuis maintenant trois ans. Il y est tombé « en amour » comme il aime à le dire, de sa femme bien sûr, et de cette ville qu’il promeut outre- Manche: « lorsque mes amis anglais viennent ici, ils sont émerveillés par la ville. Il s’en dégage quelque chose de vrai, pas comme ces villes modernes, ces villes de verre qui se ressemblent toutes. »Quant aux Perpignanais, il les invite à mieux considérer la richesse de leur territoire et de veiller à le préserver. Autre grand amour, celui de la musique jazz.

Hormis une petite incartade lors de la période punk : « je suis bloqué sur le jazz…sur la musique en général. N’importe laquelle, mais il faut que ce soit élaboré. » Son plaisir, en tant que dj, est de faire découvrir des artistes et ce peu importe le style. Immigré à Londres, c’est là qu’il découvre la soul, le funk et le Hip-hop. « La première fois que j’ai entendu du Hip-hop, c’était en boîte de nuit. En fait en Angleterre, la première fois qu’on découvre un morceau, c’est en club. Moi, j’ai découvert la musique que j’aime dans les boîtes de Brixton. Même si je n’aime pas mettre de race dans la musique. Disons que la musique que j’aime, c’est la musique noire. » De l’autre côté de la Manche, le jazz n’est pas destiné à un public averti comme c’est souvent les cas en France. « Ça rajeunit même en ce moment dans les banlieues de Londres. Ça reprend avec des artistes mondialement connus. Les gens dansent beaucoup dans les clubs de jazz. »

L’autre passion, vous l’aurez compris, est la danse. Là aussi : « on a tout appris dans les boîtes de nuit. On préparait les danses avec les copains à la maison avant de sortir. » A défaut de rendez-vous fixes où pouvoir écouter sa musique, on peut transformer son salon en dance-floor et écouter le pod-cast de l’émission qu’il enregistre chaque semaine dans son propre studio : « The Mixed Grill on Soho Radio London ». Par la magie du net, on peut retrouver tout le petit monde de Jeff : les morceaux anciens côtoient les dernières nouveautés, l’international, le local…mais toujours avec un côté à la fois pointu et facile d’accès. Il donc bien dommage qu’un dj de cette trempe joue si peu chez nous alors qu’il est très en vue à l’étranger. D’autant que sa qualité première est de traiter le jazz comme une musique comme les autres et d’en offrir sa propre vision. Si l’on en croit ses conseils : « C’est l’expérience qui permet d’approfondir l’écoute. »

Pour ce qui est de la fête et de l’ambiance, l’important est de ne surtout pas rater la Fish Party qui a lieu chaque été aux alentours du 15 août. Quatre jours de festivités en perspective où Jeff fait la tournée de toutes les bonnes places du coin, avec ses amis dj’s venus en autocar pour l’occasion. Vous n’irez donc pas faire la fine bouche et apprécierez d’autant le style inimitable de Jeff The Fish

jeff the fish

Nawel Moulay pour Urban Art up. 

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